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lundi 15 octobre 2018

Atelier d'écriture 6 - A votre bon coeur !


Chaque semaine, le blog "Bric à book" (lien vers le blog) propose une image. Cette image sert de support pour écrire un texte, ton et genre libres… La publication des textes a lieu le lundi suivant.

Voici donc l'image sur laquelle nous devons écrire cette semaine :


© Kyle Wagner


A votre bon cœur !

Il l'attend.
Il attend comme toujours d'ailleurs. Parfois il aurait aimé que ça soit elle qui l'attende mais elle ne l'aurait pas mérité.

Elle n'était pas prête à sauter le pas : il a attendu.
Elle n'était pas prête à avoir des enfants : il a attendu.
Elle ne savait que choisir entre une virée à deux et le respect de la messe du dimanche : il a attendu.
Et aujourd'hui, il attend toujours.

Il le sait qu'elle va arriver, il n'en doute pas mais ce qu'il ne maîtrise pas ou plus c'est le temps dont elle aura besoin pour se sentir belle et oser enfin sortir.
Pourtant il lui a dit mille fois "Mais ne t'inquiètes pas Joséphine, tu es magnifique. Tu n'as pas besoin de ces artifices pour sortir".

"Oui mais tu sais bien mon doux Armand que je ne me sentirai pas bien sans un minimum de coquetterie, j'aurais l'impression d'être mise à nue".

Au fur et à mesure, elle passait de plus en plus de temps à se regarder dans le miroir, à observer ce corps qui l'accompagne depuis de nombreuses années à espérer qu'il lui laisse encore profiter quelques années de cette vie bienheureuse près des siens et près de son grand amour.

Il s'en est passé des événements dans leurs vies.
Laisseront ils une trace indélébile de leur passage sur Terre ? Ils ont envie d'y croire en tout cas.
Joséphine et Armand sont humains et l'amour qui émane d'eux rayonne dès qu'ils sont ensemble.

C'est ce à quoi rêvasse Margot, leur petite-fille à la porte vitrée du café où l'attend son grand-père.

C'est un rituel. Ils se retrouvent une fois par semaine pour parler. Une façon d'entretenir ce lien si fort qui les unit et c'est aussi un moment pour raconter ce qui se passe dans leurs vies respectives. Et puis surtout, Margot aime par dessus tout écouter son grand-père. Il sait lui transmettre ses valeurs, son histoire, sa vie. C'est une richesse inestimable.

Rien de ce qu'il lui raconte ne peut se trouver dans les romans qu'elle dévore, tout est là devant elle. Mais peut-être qu'un jour elle saura retranscrire ces mémoires, elle se dit que c'est peut-être sa mission à elle.

Elle aura mis du temps à venir vers lui, trop surement, mais l'adolescence ne permet pas cela, c'est trop tôt !

Il faut avoir compris le sens de la vie pour accéder à ces sentiments particuliers envers nos aïeux. Et puis comprendre la fragilité de la vie c'est aussi ce qui donne envie de profiter de nos parents, grands-parents tant qu'il est temps.

Alors derrière cette porte vitrée elle observe cet être vieillissant, qui devient chétif par moments, elle le voit là assis devant son journal à lire les nouvelles d'un monde auquel il ne comprend plus grand chose.

Elle le trouve beau avec toutes ses marques que le temps lui a laissé, cela lui donne une élégance naturelle et singulière.

Comment va t'elle pouvoir lui dire à nouveau cette semaine que celle qu'il attend avec impatience n'est plus, qu'elle est partie voilà quelques mois déjà.

Que celle qui arrive face à lui n'est pas l'être aimée depuis tant d'années mais qu'elle est sa petite fille.

Comment lui dire qu'il mélange à nouveau les idées et qu'il est temps de se rendre à ce rendez-vous qu'elle a pris pour lui. Ce rendez-vous qui va surement chambouler leurs vies à tous les deux.

Alors elle continue de l'observer encore un peu, juste parce qu'elle n'est pas prête, qu'elle n'a pas encore envie de quitter ces bras si doux qui l'ont si souvent réconfortée et qu'elle ne veut pas que les rôles s'inversent, elle n'en veut pas de cette place d'aidant, qui fera d'elle petit à petit une étrangère.

Pourtant, elle entre, puisqu'il le faut.

Elle va savourer ce chocolat chaud qui est déjà servi, il connaît ses habitudes, et elle va l'aider à se remémorer les souvenirs qui persistent, ceux qui donnent du sens et une histoire à leur famille. Qui sait, peut-être que ces absences sont volontaires, une manière de ne pas admettre que Joséphine est partie avant lui, sans l'attendre une fois de plus !

Ca y est il l'a aperçu, lui fait signe de s'asseoir et lui dit en souriant "Bonjour ma Joséphine, comme tu es resplendissante aujourd'hui".

Margot laisse couler une larme tout en embrassant les joues voluptueuses de son grand-père et lui offre son plus beau sourire, celui qu'il conservera pour toujours en mémoire elle en est sur !



2 commentaires:

  1. Ouch la chute ... effectivement, c'est toujours plus difficile pour les proches. Bien rendu.

    Leiloona

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    1. Merci Alex. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est plus difficile pour les proches mais je pense que les "aidants" ont un rôle trop peu reconnu c'est sur !

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